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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/617

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§ 14. Ch. vi, 1-14 : Miracle galiléen cette fois encore identique à l’un de ceux qui sont rapportés par les synoptiques ; il s’agit de la multiplication des pains. Il est clair que c’est là un de ces miracles que, du vivant de Jésus, on lui attribua. C’est un miracle auquel une circonstance réelle donna lieu. Rien de plus facile que d’imaginer une telle illusion dans des consciences crédules, naïves et sympathiques. « Pendant que nous étions avec lui, nous n’avons eu ni faim ni soif ; » cette phrase bien simple devint un fait merveilleux qu’on racontait avec toute sorte d’amplifications. Le récit, comme toujours, vise dans notre texte un peu plus à l’effet que dans les synoptiques. En ce sens, il est d’un aloi inférieur. Mais le rôle qu’y joue l’apôtre Philippe est à noter. Philippe est particulièrement connu de l’auteur de notre Évangile (comp. i, 43 et suiv. ; xii, 21 et suiv.). Or, Philippe résida à Hiérapolis en Asie Mineure, où Papias connut ses filles[1]. Tout cela se raccorde assez bien. On peut dire que l’auteur a pris ce miracle dans les synoptiques ou dans une source analogue, et qu’il se l’approprie à sa guise. Mais comment le trait qu’il y ajoute s’harmoniserait-il si bien avec ce que nous savons d’ailleurs, si ce trait ne venait d’une tradition directe ?

§ 15. Au moyen de liaisons évidemment artificielles et qui prouvent bien que tous ces souvenirs (si souvenir il y a) ont été écrits fort tard, l’auteur amène une série étrange de miracles et de visions (vi, 16 et suiv.). Pendant une tempête, Jésus apparaît sur les flots, semble marcher sur la mer ; la barque elle-même est miraculeusement transportée. Ce mi-

  1. Dans Eusèbe, Hist. eccl., III, 39. Cf. Polycrate, dans Eusèbe, H. E., V, 24. Il est vrai qu’il y a entre l’apôtre Philippe et le diacre du même nom des confusions singulières.