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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/635

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xii, 3, 6). Cela serait bien peu indiqué. Au chapitre xix, v. 36, où perce l’intention d’assimiler Jésus à l’agneau pascal, le rédacteur est beaucoup plus explicite. Quant aux circonstances du festin, est-ce par fantaisie pure que notre narrateur entre ici dans des détails inconnus à Matthieu et à Marc ? Je ne le crois pas. C’est qu’il en sait plus long. La femme innomée chez les synoptiques, c’est Marie de Béthanie. Le disciple qui fait l’observation, c’est Judas, et le nom de ce disciple entraîne tout de suite le narrateur à une personnalité vive (v. 6). Ce v. 6 respire bien la haine de deux condisciples qui ont vécu longtemps ensemble, se sont profondément froissés l’un l’autre, et ont suivi des voies opposées. Et ce Μάρθα διηκόνει, qui explique si bien tout un épisode de Luc[1] ! Et ces cheveux servant à essuyer les pieds de Jésus, qui se retrouvent dans Luc[2]. Tout porte à croire que nous tenons ici une source originale, servant de clef à d’autres récits plus déformés. Je ne nie pas l’étrangeté de ces versets 1-2, 9-11, 17-18, revenant à trois reprises sur la résurrection de Lazare, et enchérissant sur xi, 45 et suiv. Je ne vois rien d’invraisemblable, au contraire, dans l’intention prêtée à la famille de Béthanie de frapper l’indifférence des Hiérosolymites par des démonstrations extérieures telles que la simple Galilée n’en connut pas. Il ne faut pas dire : de telles suppositions sont fausses, parce qu’elles sont choquantes ou mesquines. Si l’on voyait le revers des plus grandes choses qui se sont passées en ce monde, de celles qui nous enchantent, de celles dont nous vivons, rien ne tiendrait. Remarquez, d’ailleurs, que les acteurs ici sont des femmes ayant conçu cet amour sans égal que Jésus

  1. x, 40 et suiv.
  2. vii, 38.