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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/80

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jusqu’à ses petitesses. De là cette perpétuelle attention de l’auteur supposé à rappeler qu’il est le dernier survivant des témoins oculaires[1], et le plaisir qu’il prend à raconter des circonstances que lui seul pouvait connaître. De là tant de petits traits de précision qui voudraient se faire passer pour les scolies d’un annotateur : « Il était six heures ; » « il était nuit ; » « cet homme s’appelait Malchus ; » « ils avaient allumé un réchaud, car il faisait froid ; » « cette tunique était sans couture[2]. » De là, enfin, le désordre de la composition, l’irrégularité de la marche, le décousu des premiers chapitres, autant de traits inexplicables dans la supposition où notre Évangile ne serait qu’une thèse de théologie sans valeur historique, et qui se comprennent, si l’on y voit des souvenirs de vieillard, rédigés en dehors de la personne dont ils émanent, souvenirs tantôt d’une prodigieuse fraîcheur, tantôt ayant subi d’étranges altérations.

Une distinction capitale, en effet, doit être faite dans l’Évangile de Jean. D’une part, cet Évangile nous présente un canevas de la vie de Jésus qui dif-

  1. Jean, i, 14 ; xix, 35 ; xxi, 24 et suiv. Comp. la première épître de Jean, i, 3, 5.
  2. Quelques-uns de ces traits ne peuvent avoir une valeur sérieuse : i, 40 ; ii, 6 ; iv, 52 ; v, 5, 19 ; vi, 9, 19 ; xxi, 11.