Aller au contenu

Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
le bourreau de dieu

saint dont c’était la fête, saint du reste honorable entre tous et de qui le nom est à vénérer, car il signifie porte-Christ.

Tout heureux d’appliquer ses connaissances de l’hébreu et du grec aux difficultés de la vie pratique, le prieur rompit solennellement le silence monacal et proclama sa volonté à ses fils en Dieu. Il leur fit part des pensées diverses qui l’avaient agité et parla longtemps sur l’amour du prochain, comme un orateur débordant de foi et condamné à un mutisme perpétuel.

Sa péroraison développa une vérité trop ignorée qui frappa son auditoire d’admiration :

— Il importe peu, dit-il en substance, que les hommes aient un nom rattaché à leur naissance, comme Désiré, Théodore, Dieudonné et tant d’autres. Ils ne sont pas responsables de la façon dont ils viennent au monde, mais il faut les appeler d’un mot qui soit un étendard pour le soldat, et pour le matelot un phare. Moïse n’avait que faire de se rappeler un incident de ses premiers jours, mais Christophe saura qu’il ne respire qu’afin de porter le Christ, c’est-à-dire contribuer à la plus grande gloire de Dieu. Heureuses les créatures qui répondent à de tels vocables, car ils sont des ordres, et ceux qui les exécutent s’assiéront à la droite du Père.