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Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/46

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fantômes et fantoches

Hermann présentait ses collections, et il achetait des pierres, tandis que Smaragd les vendait ; cela était ainsi réglé. Le maître ne négociait une vente que s’il était question de grave maladie. Pour livrer de simples parures, Smaragd suffisait à la besogne et le peu de science qu’il avait apprise dans l’intimité du lapidaire lui permettait de dispenser les remèdes usuels et de soigner les indispositions. Il distribuait les gemmes en petits fragments, car il fallait bien que chacun pût recouvrer la santé, même le pauvre ; seulement, un magistrat opulent venait-il à consulter, Smaragd lui laissait entendre que les bijoux de poids suscitaient plus rapidement une guérison plus radicale qu’une infime parcelle ne l’eût fait, et les nobles comprenaient tout de suite que les médicaments doivent être à la mesure du malade.

Parmi les clients, il y avait beaucoup de femmes, et elles achetaient en grande quantité l’aimant, le cristal de roche et le grenat, parce que l’un supprime la douleur des accouchements, l’autre augmente le lait des mères et le dernier aveugle les maris trompés. C’est pourquoi des matrones sereines entraient avec dignité dans la boutique et rencontraient souvent de folles épouses qui s’en échappaient, rouges et furtives, serrant leur mauvais talisman.