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Page:Renard - L'Amant de la morte, 1925.djvu/11

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Scène 4

ROBERT, SIMONE, GUILLAUME,
à la fin : LOUIS
Guillaume, embrassant sa femme

Bonsoir, chérie !

Simone

Mon grand !

Guillaume, apercevant Robert, très joyeusement

Tiens ! te voilà, toi !

Robert

Mais oui, mon vieux. Simone a bien voulu me retenir à dîner…

Guillaume

Elle a bien fait ! Et alors, quoi de neuf ?

Robert

Rien de sensationnel. Je suis tombé ici en plein branle-bas de départ, et j’ai joué une fois de plus mon rôle de raseur familier !

Guillaume

Que vas-tu chercher là ? Tu sais bien que tu n’es jamais de trop à la maison. N’est-ce pas, Simone ?

Simone, versant à Guillaume un verre de porto

Bien sûr !

Guillaume, à Simone

J’ai retenu ta place pour demain.

Simone

Tu n’as pas eu trop de peine ?

Guillaume

Ouais ! Tout est pris jusqu’au douze. Mais, avec un pourboire glissé à bon escient, on arrive toujours à se caser ! En ce moment, c’est comme un exode vers la Côte d’Azur.

Robert, à Simone

Vous serez plus à l’aise quand vous reviendrez.

Guillaume

Certainement. Les gens restent sur la Riviera jusqu’à la fin du Carnaval, et c’est, je crois, une excellente idée de rentrer à Paris la veille même du mardi gras.

Robert, à Simone, avec intention

Vous n’êtes pas tentée de rester là-bas pour les fêtes ?

Simone, passant presque distraitement la main sur son front

Ah ! non. J’ai horreur des mascarades. Tout ce bruit, ce mouvement, c’est si loin de la vraie joie !

Robert

La joie est comme le bonheur ; elle varie selon les tempéraments.

Simone, qui ne regarde — et très tendrement — que son mari

Vous avez raison. Je sais que, pour ma part, je ne la conçois que d’une seule manière : chez moi, dans ma maison, près de Guillaume.

Guillaume, l’enveloppant d’un regard d’adoration

Simone !

Simone

Il n’y a pas d’autre joie, il ne peut y en avoir d’autre… (Portant la main à son front :) … pour moi… (Sa main étreint son front, et son visage exprime la souffrance.)

Guillaume, alarmé

Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es toute pâle…

Simone, se laissant tomber sur un canapé, l’air égaré et se tenant la tête

Rien… Une espèce de migraine… C’est extraordinaire ; ça m’a pris tout d’un coup…

Guillaume, penché sur elle, à Robert

Robert, veux-tu sonner ?

Robert, fronçant les sourcils

Certainement.

Guillaume, à Simone

Tu t’es éreintée à vouloir mettre toi-même ta maison en état…

Simone, de plus en plus égarée, anxieuse et gémissante

Oui… Oui… C’est cela, sûrement… C’est cela…

(Entre Louis.)

Guillaume, à Louis

Vite, un cachet, un verre d’eau !

(Louis sort.)

(Simone lutte douloureusement contre l’angoisse mystérieuse qui l’envahit.)

Guillaume, affolé

Ma chérie ! Qu’est-ce qu’il y a ?… Simone !… Qu’est-ce que tu as ?

Simone, (Elle s’abat dans les coussins, et, éclatant en sanglots, se tordant les bras, malmenée par une crise de nerfs, elle répète désespérément :)

Je ne sais pas ! Je ne sais pas ! Je ne sais pas !

Rideau