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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/121

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le péril bleu

trompe, — un murmure à la fois robuste et doux, qui semble strident quoique fort bas, — qui est en effet curieusement sombre, même au sein de l’obscurité… et qui vous trépide dans la poitrine, comme l’arbre de couche d’un steamer.

D’ailleurs, voici les vitres qui entrent en vibration.

Ils murmurent :

— « Cela vient d’en haut ! » — « Non ! » — « Cela vient du marais. » — « D’Artemare ! » — « De Culoz ! »

— « Montagne ! » fait la grand’mère, haletante.

Mme Le Tellier, une main sur sa gorge qui bat, prononce dans un souffle :

— « C’est encore très loin, maman, croyez-v… »

Mais elle n’a pas fini, qu’une brise légère, inexplicable, vivifie les frondaisons ; les feuilles bruissent ; et soudain résonne un « CLAC » assourdissant.

On sursaute au claquement sec qui vient de retentir au dehors, on ne sait où, pas loin certes et, semble-t-il, en l’air.

Floflo aboie furieusement.

— « La foudre ? » interroge Mme Arquedouve.

— « Non, ma mère, » lui répond M. Le Tellier, « il n’y a pas eu d’éclair. Nous n’avons rien vu. »

— « Ce n’est donc pas non plus une étincelle, un éclair factice… »

— « Évidemment. »

— « Maxime, va-t’en de la fenêtre ! » implore Mme Le Tellier.

— « Écoutez encore ! » commande l’astronome.

Le chien donne de la voix et file vers le bout du jardin. Il poursuit les Sarvants, c’est sûr ; ils se dérobent… Aussi bien, le bourdonnement a cessé… Mais Mme Arquedouve affirme qu’elle le distingue toujours… Le chien se tait… On respire. Les traits de l’aveugle se détendent…

Un cri aigu !

Ce n’est rien. C’est Mme Le Tellier qui prend peur à la vue d’un grand jet de lumière inattendu, lancé dans le ciel ainsi qu’une flèche d’éblouissement, ainsi qu’un rayon de soleil perçant la nuit… Cette aurore décochée, on dirait qu’elle complète le claquement de tout à l’heure,