Aller au contenu

Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
du 11 aout au 4 septembre

teux ». C’était une théorie que l’on pouvait défendre, et Mme Le Tellier ne se fût pas privée de la soutenir avec plus de chaleur encore si elle avait connu dans toute leur atrocité la pluie et la grêle du 3 août.

Mais son mari et son beau-frère avaient gardé le secret à ce propos, et ils espéraient le garder longtemps, quoiqu’une pareille dissimulation fût chaque jour plus malaisée.

Plus malaisée ?… Pourquoi ?

Parce que souvent, au milieu de la nuit, dans les ténèbres chauffées par le vent du sud-est, grandissaient des sifflements sinistres que le docteur et l’astronome connaissaient bien… — Mme Arquedouve s’en inquiéta violemment. On lui dit que c’était des chutes d’aérolithes. La Saint-Laurent, époque des étoiles filantes, appuya ce mensonge. Mme Arquedouve accepta l’explication.

Dès l’aube, M. Monbardeau et M. Le Tellier partaient, le cœur serré, vers les choses tombées (jamais plus il n’en tomba le jour) et ils ne quittaient pas les entours de Talissieu sans avoir découvert au moins autant d’objets qu’il y avait eu de sifflements. Ils trouvaient force détritus minutieusement ouvrés, appartenant aux trois règnes de la nature. Les bêtes et les gens portaient quelquefois de singuliers stigmates, révélateurs d’asphyxie totale ou non, de compression et de décompression, ou des tortures les plus raffinées… Après avoir identifié les cadavres négativement — c’est-à-dire après avoir acquis l’assurance qu’ils n’étaient pas ceux de Marie-Thérese, d’Henri Monbardeau, de sa femme, de Suzanne ou de Robert — ils leur donnaient la sépulture.

Quand, aux aspects d’un supplicié, ils avaient reconnu quelqu’un du pays, la prévoyance leur conseillait de n’en rien dire. Mais, le bruit de la trêve s’étant répandu, d’autres Bugistes secourables s’avisaient comme eux d’aller de bourg en bourg, dans des ambulances automobiles, faire les infirmiers et les pourvoyeurs. Ceux-là aussi s’aperçurent qu’il grêlait des morts à Talissieu. Ils en semèrent la nouvelle. Et bientôt, dans cette contrée de léthargie, où peu à peu s’était instaurée chez les campagnards une vie végétative presque tranquille, — la terreur redoubla.