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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/263

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le péril bleu

1.500 kilomètres de diamètre, un tapis géographique étalé en creux, en forme de coupe, et qui déborde largement l’écran quadrillé que fait la pépinière du rez-de-chaussée. Les mers semblent des plaines sombres. Beaucoup de brume, aux lointains surtout.

Le soleil se coucha tout d’un coup, mais le jour avait duré plus longtemps que sur terre, et j’avais vu la nuit enténébrer l’Allemagne quand l’océan Atlantique était encore ensoleillé.

Au ciel, d’un noir effrayant, les étoiles brillaient d’un éclat incomparable. La mer atmosphérique luisait sereinement. De-ci de-là, par la Terre obscure, des taches vaporeuses, phosphorescentes, décelaient la place des grandes villes. Les clapets clapotaient dans un silence de sépulcre. Mon courage faiblit. J’eus peur de ces gens inconnus et formidables qui m’avaient capturé, — peur du lieu d’épouvante. J’avais honte de n’être plus qu’un numéro de collection, un article sans doute étiqueté… Les belles étoiles ne m’apparaissaient plus comme des oasis de clarté au désert de la ténèbre… Une fatigue sans nom me terrassa, et je m’endormis dans le monde invisible, après avoir éprouvé un soulagement singulier à fermer les yeux, c’est-à-dire à ne plus voir enfin qu’on ne pouvait rien voir.

Je me suis cru fou quand je me suis éveillé, ce matin 4 juillet.

Ah ! mes pauvres compagnons de misère, aux rayons de cette aube si basse, dans cette lumière d’outre-mort !… La Terre était une étendue verdâtre, toute remuée et pommelée de nuages ; de temps en temps, les Alpes jetaient un feu blanc. Mais l’aérarium ! avec ses détenus dans toutes les postures de la misère, du désespoir et de la maladie ! soutenus en l’air comme par des fils invisibles !…

Pendant la nuit, on m’avait rendu ma jumelle et