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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/315

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le péril bleu

leux… Et puis, dites, messieurs, cet homme est habillé, il me semble ?… »

— « Parbleu ! »

— « Sans doute ! »

— « Mais oui… »

— « Eh bien, mais sentez donc : il n’y a pas de différence entre la peau de la figure et l’étoffe du costume…, la peau des mains non plus… »

— « Des mains, ça ! » se récria le docteur, « ces espèces de moignons grenus qui révoltent le toucher ?… »

M. d’Agnès répétait d’un air dégoûté :

— « Quel sale contact ! mamelonné, visqueux… »

— « Ah çà, mais… » fit l’aveugle, « ce ne sont pas des habits ! Cela fait corps avec l’individu… C’est la même consistance, la même substance ! On dirait une sorte de molle effigie, faite de pelotes grossièrement agglomérées… Ces pelotes… ces pelotes… Ha ! » s’écria-t-il, « j’en tiens une ! » Et l’on vit ses doigts trifouilleurs s’accrocher dans le vide, sur la poitrine invisible. « Je la tiens !… Je la détache… péniblement… Elle vient. La voici ! — Bon ! je l’ai lâchée ! »

Un bruit sec, au plafond, claqua.

— « Elle est allée se coller là-haut, comme le Sarvant du Grand-Palais, qui a traversé le vitrage », continua Louis Courtois. « Maintenant il y a une cavité dans la poitrine, à la place de cette boule. »

— « Il faut la ravoir», décida l’astronome. « Avec un marchepied… »

Mais l’aveugle disait, en crispant une deuxième fois ses mains blanches :

— « Inutile : j’en tiens une autre… qui ne pourra m’échapper… Là !… — Dieu du ciel ! »

— « Quoi donc ? »

Les trois autres regardaient les mains puis la physionomie de l’infirme. Ses doigts remuaient fébrilement et l’horreur verdissait sa face. Un geste frissonnant le fit reculer dans l’attitude de la répulsion la plus invincible ; ses mains s’ouvrirent. Un second bruit sec, au plafond, claqua.

— « Pouah ! » Il tremblait comme s’il avait eu froid. « C’est une araignée !… Une immonde araignée à