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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/320

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la vérité sur les sarvants

Sarvants ne sont pas mauvais, puisqu’ils ont cru que nous ne ferions pas de tort à des hôtes qui nous ressembleraient… »

— « Oui-da ! » persifla le docteur, « l’animal le plus obtus sait bien que les loups ne se mangent pas entre eux ! »

— « Les loups, c’est vrai. Pas les hommes. »

— « En tout cas, les Sarvants ne se privent pas de martyriser ceux qui ne leur ressemblent pas ! » murmura le duc d’Agnès.

L’astronome répliqua :

— « Et s’ils ne savaient pas ce que c’est que la souffrance ?… Avez-vous songé à cela ?… Nous qui souffrons, nous prétendons bien que certains animaux ignorent la douleur. Au fond, qu’est-ce que nous en savons ? »

— « Peut-être, » insinua l’aveugle, « peut-être ont-ils adopté notre tournure, sachant au contraire que c’est l’homme que l’homme redoute davantage ? — Mais dépêchons ! la pourriture gagne ces restes… »

— « Voilà qui est fâcheux », soupira M. Le Tellier. « J’aurais voulu les soumettre à des expériences de radiographie, et les faire mouler. »

— « Vous n’en aurez pas le temps. »

— « Essayons au moins de comprendre comment ils suppléent au défaut de circulation sanguine et de fonction respiratoire, et désagrégeons ce simulacre d’humanité. »

Le soleil naissant les trouva penchés sur les petits morts invisibles, répugnants et légers, difficiles à retenir et qui, au moindre faux mouvement, s’allaient plaquer au plafond. Mais le résultat de leur veille est beaucoup trop technique pour être rapporté au cours de cette histoire populaire, dont la clarté, d’ailleurs, n’en serait pas renforcée d’un cent millième de carcel.

Ainsi se termina la mémorable nuit du 6 au 7 septembre 1912, digne suivante d’un vendredi célèbre à jamais dans les annales de la Connaissance.