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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/347

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le péril bleu

étaient complets, honorables, mais d’une excessive maigreur. L’autopsie révéla que des maladies les avaient dévastés sans que les Sarvants y fussent pour quelque chose. Les captifs ne mouraient que faute de soins, de remèdes, de grand air et de bonne nourriture.

Mais ils mouraient de plus en plus.

On fit le compte des disparus et l’on enregistra les cadavres. Aux environs du 10 octobre, M. Le Tellier acquit la certitude qu’il ne restait là-haut que vingt-cinq malheureux, parmi lesquels Marie-Therèse, Henri, Fabienne et Suzanne.

C’était une terrible découverte. Au train dont les choses marchaient, dans vingt jours tout serait consommé. Les quatre exilés seraient morts.

Mirastel retentit de lamentations.

La nuit d’après, deux sifflements perçaient les cœurs… Mais ce n’étaient que les chutes d’un bouc et d’une ânesse.

Ceux qu’on attendait ne tombèrent pas les jours suivants.

Au zénith, la tache sombre ne bougeait pas, ne changeait pas. Seulement, l’animation des rainures diminuait, plus rare et plus lente. Le 18 octobre, neuf chrétiens et une douzaine de bêtes avaient chuté depuis le 10. Il y avait encore seize condamnés dans l’aérarium.

Le sommeil déserta le château. La nuit, à force d’écouter, chacun souffrit d’étranges courbatures auriculaires.

À deux heures du matin, le 19, l’ombre résonna d’un bruit particulier qui ne sifflait pas comme d’habitude. On aurait dit d’une charge de grains de plomb criblant la paix nocturne… Le bruit se répéta plusieurs fois de suite. M. Le Tellier sortit sur la terrasse avec les siens.

La lune venait de se coucher ; en luminosité diffuse, sa clarté s’exhalait encore de l’occident.

Il faisait un petit vent frais.

Le bruit recommença, tandis qu’une sorte de nuage obscur, sifflant comme de la grenaille, allait s’écraser dans le marais, vers Ceyzérieu. Un second, immédiatement, le suivit. Un troisième. Un quatrième. Un cinquième… Ils fondaient pesamment l’un sur l’autre, au