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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/350

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disparition du visible

le pauvre loulou ! Et sale, si vous saviez ! La poussière de la route avait collé ses longs poils noirs tout trempés…

— « Il ne faut pas être sorcier », raisonna Maxime, « pour voir que ce chien a été plongé dans l’eau avant d’accomplir une assez longue course. Avant ou pendant. Il se sera baigné, chemin faisant, aux fontaines. Mais d’où vient-il ? Ce n’est pas des monticules ; nous l’aurions vu traverser le marais, et puis il ne serait pas si exténué, ni tellement couvert de poussière. Du reste, on ne peut admettre que les Sarvants l’aient lancé du haut de… »

Un coup de cloche sonnant au portail l’empêcha de finir.

Le trouble qui les envahit les fit pâlir ; c’était un mélange contradictoire d’espérance et d’inquiétude, qui produisait une sensation physique de faiblesse soudaine et de grand froid.

Il y eut une déception

Le visiteur était un rustre avec une bicyclette.

Mais il y eut encore une émotion :

Ce rustre apportait une lettre à M. Le Tellier.

Et il y eut alors une joie délirante, inénarrable, folle ; car la lettre venait d’un ami que M. Le Tellier avait à Lucey, sur le Rhône, à dix-huit kilomètres de Mirastel, et cette lettre disait :

( pièce 988)

Venez vite. On a trouvé ce matin dans une île du fleuve, entre Lucey et Massignieu-de-Rives, les disparus survivants. Aucun ne paraît blessé. L’autorité les a mis en quarantaine.

Malgré la bizarrerie de cette dernière phrase, l’allégresse prit de telles proportions qu’elle faisait peur à voir. Il leur semblait que tout à coup l’atmosphère venait de se modifier. L’astronome nous a dit : « C’était comme si l’on m’eût débarrassé d’une camisole de force endurée pendant six mois ! » Le rire ressuscitait au fond des gorges ; mais les visages en avaient perdu l’habitude, et les joues s’y opposaient. Ils faisaient une infinité de