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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/73

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A UNE MARTYRE DE DEMAIN

Plus tu crois au bonheur, au rêve, au dévouement,
Et plus, parmi les flots de ce monde qui ment,
Ta solitude sera vaste.

Enfant aux clairs regards, lorsque dans ton miroir,
Devinant ta beauté, tu te plais à te voir,
Ou qu’à la lecture d’un livre,
Ton cœur vers l’idéal ouvre ses ailes d’or,
Tu ne penses qu’au rêve amoureux qui t’endort,
Je pense au réveil qui doit suivre.

Je pense au lendemain, reptile qui sans bruit
S’avance, protégé par une épaisse nuit,
Le regard fixé sur tes joies,
Et, lorsque le moment sera bien préparé,
T’enlacera le corps et l’âme par degré,
Pour mieux savourer ces deux proies.

Tu ne penses qu’aux vers des poètes, qu’au chant
Des guitares, le soir, sous le soleil couchant,
Qu’à l’azur rempli de colombes,
Qu’à tout ce qui gazouille et fleurit dans les bois,
Qu’aux paroles d’amour, qu’aux doigts pressant les doigts,
Qu’aux serments plus forts que les tombes.