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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/92

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RECUEIL INTIME


Si vous n’adorez point la force,
Si la pensée est votre Dieu,
Si vous vous prenez à l’amorce
D’un noble but et d’un ciel bleu,

Si la trahison hypocrite
De l’amour ou de l’amitié
Vous semble étrange et vous irrite,
Vraiment vous me faites pitié.

Pour l’être brutal qui se vautre
La terre a des jeux et des fleurs ;
Mais des âmes comme la vôtre
N’y font moisson que de douleurs.

Au moins cachez bien vos blessures ;
Taisez-vous lorsque vous souffrez ;
Les hommes ont des fanges sûres
Pour en salir les inspirés.

Leurs allégresses les plus vraies
Sont de diriger avec art
Des coups d’épingle dans les plaies
Dont l’idéal fut le poignard.