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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/96

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RECUEIL INTIME


Celle à qui mon honneur est plus cher que ma vie,
Qui de tout noble orgueil, de toute sainte envie
Sur mon cœur mit le sceau ;
La femme qui veilla sur mon enfance frêle,
Qui riva tout pour moi sans vouloir rien pour elle,
L’ange de mon berceau.

Mais nous ne mourrons pas au même instant ; peut-être
Me faudra-t-il, après les paroles du prêtre,
La vêtir du linceul,
Puis, lorsque j’aurai vu sa fosse qui s’éboule,
Rentrer, vêtu de noir, où s’agite la foule.
Alors je serai seul.

Alors je n’aurai plus une raison de vivre,
Je briserai ma plume et jetterai mon livre,
Des bourreaux tous les deux.
Alors, si je retrouve au fond d’un dernier songe,
La gloire, cet abîme, et l’amour, ce mensonge,
Je ne voudrai plus d’eux.

Alors, par une nuit odieusement douce,
Vers un abri charmant, plein de fleurs et de mousse,
Je porterai mes pas ;