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Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/75

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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

sa tête hors de l’axe du corps. Il sentait la lâcheté féroce. L’homme qu’on cinglerait sans qu’il réagit s’il était désarmé ou dominé, mais qui pour un regard de femme sortirait son couteau ou un revolver. Je le regardait, à travers la foule, osciller de sa marche crapuleuse, quand la femme qui s’était sans façon rapprochée de moi m’adressa la parole :

— Quel beau temps !…

— Oui, Madame, certainement…

— Vous prenez quelque chose ? Garçon, deux chartreuses…

Je la regardai avec étonnement. Ce m’était un type humain inconnu. Un regard intelligent et fouilleur, des restes d’ancienne beauté et un air à la fois sûr de soi et sans scrupules. Que pouvait-elle bien faire et que signifiait cette entrée en matière ?

— Mais non, Madame, je ne veux pas de chartreuse. Je n’ai envie de rien boire.

Elle s’approcha encore à me toucher et murmura :

— Pas besoin de chartreuse pour faire descendre ce que vous avez pris à déjeuner, hein ?…

Je rougis brusquement…

— Vous avez raison, Madame, mais je me nourris comme je puis. Cela ne regarde personne d’ailleurs…

Elle laissa couler quelques secondes, regardant alternativement mes mains, ma coiffure et mon costume. Elle se pencha pour voir mes chaussures… Puis, net, elle dit :

— Vous savez, mon petit, pas besoin de conférer une heure pour me dire ce qu’on est. C’est mon métier de le deviner. Je le fais depuis vingt ans. Donc, je veux vous mettre à l’aise. Vous êtes orgueilleuse et vous voulez vivre seule. Vous n’avez pas de relations et vous cherchez quelque chose à faire. Je crois que s’il vous reste quarante sous