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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/208

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

risé » un soir ! Croyez-moi, Saldagne, ma philosophie est la vraie : le bonheur consiste à mélanger en doses combinées savamment les joies de la civilisation et les voluptés de la barbarie !

Il entraîna Claude dans les salons. Déjà on s’y étouffait. Ils se coulèrent, entre les habits noirs immobiles et les couples qui dansaient, jusqu’à l’entrée de la serre où se tenaient le Gouverneur et sa femme.

Tous les mondes étaient représentés à cette réception. Les fêtes, aux Colonies, sont plus somptueuses que dans bien des grandes villes de province : on y dépense avec prodigalité l’argent gagné sans peine. Dans ce milieu libre de préjugés, les femmes, même prises très bas, retroussent leurs jupes et montent quatre à quatre les degrés de la hiérarchie, à la suite de leurs époux ; avec quelques leçons de français et de maintien, à condition de ne pas parler beaucoup, elles s’en tirent. D’autant, qu’à côté de celles-là, il y en a d’autres du vrai monde, émancipées par la vie exotique de maintes idées bourgeoises, et par là plus séduisantes. Peu de jeunes filles, mais les femmes presque toutes jeunes ; beaucoup de riches toilettes et une majorité de jolies personnes : car les demoiselles à grosse dot ne s’expatrient pas volontiers, et les Coloniaux font plutôt des mariages d’amour, quand ce n’est pas de fantaisie.

Il semblait à Claude qu’il n’avait pas vu d’Européennes depuis un an ; il regardait de tous ses yeux, comme un jeune collégien à sa