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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/122

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cienne échelle supposée, — passa pour un abaissement moral de sa situation, une preuve de son peu de valeur devant l’immensité. On crut que les anciens, en donnant à la révolution des sphères la terre pour centre, avaient entendu se placer eux-mêmes au centre d’excellence du monde, ce qui est le contraire de la vérité ; tandis que les modernes, se reconnaissant logés dans « un petit coin de l’univers », seraient fondés à attribuer au système matériel de la création, une incomparable supériorité sur la Terre et les terricoles. Mais rien de tout cela ne répond aux faits. Ce qu’on obtenait par les découvertes modernes, c’était l’information plus exacte des lois de phénomènes à grande envergure, d’impulsion, de pesanteur et de chaleur, et d’un système de révolutions très vaste dont le centre ne se découvre pas encore : le tout parfaitement étranger, qu’on sache, à la valeur morale des existences.

L’idée de l’infini, dans l’abstrait, suivit une marche correspondante à l’extension que l’imagination donnait à l’univers, en franchissant toutes bornes. L’illusion née de l’imagination des possibles, ainsi que de l’expérience de l’indéfini de la quantité sensible, favorisa le passage de l’idée de l’indéfini à celle de l’infini actuel, et de celle-ci aux spéculations qui naissent de la synthèse de l’infini et de la mesure, idées mutuellement contradictoires. Giordano Bruno déploya le même enthousiasme à célébrer les mondes infinis qu’à reproduire les élucubrations de Nicolas de Kuss sur l’unité de l’immensité et du point, de l’éternité et de l’instant : il parut ainsi faire une hérésie monstrueuse de ce qui avait été chez le cardinal un comble de piété mystique. Descartes, pour éviter l’hérésie, s’astreignit à ne point dépasser la notion de l’indéfini, dans son sys-