Aller au contenu

Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvements de l’âme, et c’est bien ainsi qu’elle est expliquée, il faut qu’il opère dans l’âme les contraires : le bien par son impulsion générale, toute divine ; le mal, en tant qu’agent dans l’homme pécheur, par un mouvement opposé à cette impulsion. Ainsi, Dieu serait l’auteur du mal. Malebranche a cru lever l’objection par une réponse nette et absolue, très extraordinaire. Ce que l’homme fait, dit-il, n’est en réalité rien, quand il n’obéit pas à l’impulsion divine qui porte universellement au bien. Dieu n’est donc pas l’auteur du mal dans l’âme du pécheur qui ne fait pas sa volonté. Cette explication retranche de l’existence réelle tout ce qu’il n’est pas possible de regarder comme de source divine. Le déterminisme divin y triomphe, avec l’optimisme, en rejetant dans le néant tout ce qui les contrarie.

De saint Augustin à Leibniz, l’optimisme et le déterminisme unis en une même doctrine n’ont pu trouver que cette manière de justifier le mal : identifier le mal avec la simple privation d’être dont nul être fini ne peut être exempt. Mais le sens commun, juge compétent en si peu de questions de métaphysique, l’est cependant assez pour celle-là ; il prononce que l’existence du mal dans le monde est un fait positif.

Leibniz a fourni la suprême expression du déterminisme sous ses deux formes : la toute action de Dieu et la solidarité universelle. L’harmonie préétablie des monades est un prédéterminisme de leurs états, actes et relations, qui fixe éternellement la modification de chacune d’elles, à chaque instant, en rapport précis, invariable, avec les modifications de chacune des autres et de toutes, à l’infini ; et Dieu, en son éternel présent, est l’auteur de la coordination des changements en-