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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/175

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ment poussé sa méthode en plusieurs directions, parce qu’il est le postulat légitime de la science dans ses limites. Mais l’opinion du savant qui fait de la philosophie ne peut jamais être qu’une opinion de philosophe, et, le plus ordinairement, ce savant n’a guère fait d’études philosophiques. S’il en a fait, l’investigation de ce domaine des idées générales n’a pu que l’informer des divergences profondes des penseurs. Sa qualité de savant en un domaine scientifique spécial ne lui vaut aucune autorité dans les questions de principe.

Le système exposé dans le Cours de philosophie positive, d’Auguste Comte, admettait plusieurs hypothèses en faveur desquelles l’auteur ne pouvait nullement réclamer le caractère proprement scientifique, ni passer pour avoir donné des raisons philosophiques suffisamment approfondies. Les principales étaient l’origine empirique de la connaissance, l’impossibilité de l’observation psychologique et le déterminisme. À cela s’ajoutaient des négations implicites, sous la forme d’un refus d’examen des objets transcendants de la philosophie : somme toute, la philosophie positive n’était pas une philosophie. Mais, d’un autre côté, Comte renonçait formellement à toute pensée de constituer la science universelle, et c’est avec ce caractère de limitation, même fort étroite, du savoir, que sa méthode a été divulguée et propagée. Quand, au contraire, une doctrine qui se dit entièrement fondée sur la science prend ses fondements réels sur de grandes hypothèses extra-scientifiques, et se présente aux philosophes comme le « savoir complètement unifié », il faut la prendre sur le pied d’une philosophie soumise aux exigences que ce titre comporte, examiner si ce qu’elle emprunte à la science est correctement mis en œuvre, et se rendre