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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/204

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fondement pris de la matière vivante, à l’origine de l’école ionienne, plus tard un matérialisme nettement défini, sont peut-être des marques plus certaines de rationalité de l’esprit chez les penseurs qui les premiers cherchèrent à définir le monde comme objet, la chose universelle, que ce système brahmanique des âmes émanées et incessamment incorporées et métamorphosées, où la notion de personnalité semble au premier abord se faire une si grande place. Mais d’autres doctrines et des points de vue très différents sur la nature de l’objet ont leurs points de départ dans la phase originaire de la philosophie grecque. Déjà le premier essai de cosmogonie produit à l’imitation des œuvres du même genre qui appartiennent au sémitisme polythéiste, la Théogonie d’Hésiode a cet intérêt de nous montrer les diverses applications du réalisme, que les philosophes n’ont cessé de se partager entre eux dans la suite ; et ce sont autant de manières de poser la chose en principe pour en déduire à la fin les générations physiologiques et la personne.

Le sens antique du Chaos, premier terme de l’existence posé dans la Théogonie, n’est peut-être pas exactement déterminé en son étymologie, mais les deux termes suivants, nommés également sans aucune origine que le poète leur assigne, ne laissent aucun doute sur sa qualité de chose : ce sont la Terre et le Tartare (sous la terre), et c’est de la Terre que procèdent le Ciel et la Mer. Aussitôt après, un principe entièrement différent est nommé, qui ne se rattache à rien d’antérieur : Éros, le plus beau des immortels, plutôt symbole que personnification positive, car ce n’est pas à lui comme être vivant que commencent les générations sexuelles. C’est du mariage de l’Érèbe et de la Nuit, sortis tous deux