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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/230

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niques qui ont plus ou moins de réceptivité pour elle. Quand la forme est un cerveau, cette espèce d’atmosphère d’intelligence le pénètre, s’y ouvre plus ou moins passage, s’altère diversement en se concentrant et se limitant, et crée, par ses divisions, des consciences. On peut voir là une façon de retournement du commun matérialisme, qui attribue au cerveau la « production de la pensée ». Ici, c’est plutôt le cerveau qui deviendrait l’agent de matérialisation de quelque chose qui ne serait pas matière. Ce quelque chose d’intellectuel est cependant une matière encore, dans le sens le plus général du mot : une matière d’autre sorte que l’autre, mais enfin divisible comme elle. Le vice de la conception (sans nous occuper de l’idée de matière en elle-même) consiste en ce que la conscience ne se comprend que dans l’état divisé de la prétendue intelligence universelle : l’état dans lequel elle devient individuelle. On donne par conséquent à ce milieu universel le pouvoir de produire ce sans quoi il ne peut lui-même être compris : la conscience. Le défaut est le même que pour la psychologie atomistique, où les atomes d’esprit, inintelligibles sans l’esprit, en sont regardés comme les producteurs par voie de composition.

Le système de la limitation de l’intelligence par la matière rappelle d’assez près l’interprétation averrhoïste de l’intellect actif universel d’Aristote, d’après laquelle cet intellect émanerait de la sphère lunaire, et serait attiré et perçu par l’intellect actif individuel, suivant les dispositions acquises de ce dernier, qui est lié au corps, et périssable. Il nous fait aussi penser à l’une des théories de l’individuation, objets célèbres de débats dans la théologie scolastique : l’individuation par la matière. Mais Albert le Grand et saint Thomas avaient des idées