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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/35

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science. « Les objets de la connaissance ne tirent pas de lui seulement leur qualité comme connaissables, mais leur être et leur essence, et lui-même est souverainement au-dessus de l’essence », — c’est-à-dire des Idées, — « en dignité et en puissance » (Politeia, L. VI).

La méthode réaliste parvenait ainsi, chez Platon, au même sommet d’abstraction que chez Parménide ; mais le monde était rattaché formellement à cette unité suprême. Le principe était l’universel intelligible en soi, mais l’intention dénotée par le choix du Bien comme caractère par excellence de cet absolu ne suffisait pas pour y introduire des rapports que l’abstraction du concept n’appelait point. Il aurait fallu que les idées fussent assemblées dans une conscience, pour y trouver, avec la volonté, la cause et la fin, au lieu de cette idée générale du Bien réalisée. Le Père des Idées n’était toujours qu’une idée. La théologie exotérique de Platon, la démiurgie, le polythéisme de son Timée, ne rejoignaient pas sa métaphysique, ou du moins elles ne la rejoignaient que de la manière dont les idées des hommes se rapportaient selon lui aux idées en soi, dont il les disait être des imitations, des participations, en termes symboliques, des ombres.

Le progrès que Platon fit faire au dualisme éléatique de l’Être et des phénomènes consiste dans la reconnaissance d’une transition, qu’il n’explique pas, du sujet immuable, qui est toujours, aux choses qui deviennent, et jamais ne sont. Le moyen, c’est l’invention du monde des Idées, avec la qualification de Bien donnée à leur principe. Mais la participation du monde phénoménal aux Idées, la lumière et les ombres portées dans la caverne, la comparaison du Bien au Soleil, source de vie comme de lumière, ne sont que des images.