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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/56

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durant le cours passé tout entier des générations animales. Cette vertu constructive de la mentalité par les forces naturelles, qui sont les manifestations de la Force en général, a fixé nos notions fondamentales, qui sont ainsi garanties ; mais pour être garanties, elles ne deviennent pas plus concevables. Hamilton, pour un motif de théologie scolastique, recevait comme vraies des propositions inconcevables ; H. Spencer, son disciple, accepte, sur la foi de la Nature et de la Science, à ce qu’il croit, des « vérités scientifiques ultimes », qu’il dit aussi être inconcevables, et qui dépendent toutes de l’Inconditionné suprême auquel sont suspendues les évolutions successives sans fin de l’inconcevable Force-Mouvement-Matière, symbole de cet absolu (First Principles, p. 557).

On voit que les deux méthodes, l’empiriste et l’aprioriste, conduisent à la même conséquence en une même doctrine de l’Absolu. Ce résultat ne doit causer aucun étonnement, à qui veut y réfléchir. Le noumène = X de Kant, qui soutient avec le monde phénoménal une relation quelconque (sans cela que serait-il pour nous ?), mais indéfinissable par définition, et que Kant ne pouvait même pas lui attribuer légitimement, aux termes de sa méthode, ce noumène est la même chose que l’absolument inconnaissable de Spencer ; et ce dernier philosophe a raison de dire que son système, considéré à cette sommité, ne se réclame pas plus de la Matière que de l’Esprit, en ce qui concerne l’ultime raison de l’être. Ce système ne se montre décidément matérialiste, en effet, que dans la partie de son exposition où l’auteur établit la théorie de la « formation de l’interne par l’externe ». L’interne est l’esprit, l’externe est la Force-Matière.