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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/68

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n’était pas non plus le réalisme dualiste des pythagoriciens, contemporain de l’orphisme, opposant la Monade et la vertu déterminative du Nombre, à l’Infini, principe d’indétermination. C’était l’idée une et simple d’un sujet d’éléments qualitatifs indéfiniment multipliés, l’Infini, auquel se joindrait une puissance active, inséparable, pour en diriger les compositions et décompositions. « Anaximandre, le premier, nomma pour principe le sujet » (πρῶτος αὐτὸς ἀρχὴν ὀνομάσας τὸ ὑποκείμενον).

C’est l’hypokiménon, c’est le sujet lui-même, qui est l’Arché : la formule pouvait ainsi se traduire comme un extraordinaire amendement métaphysique apporté à l’idée physique de l’Eau de Thalès, maître d’Anaximandre. Ce n’est plus un sujet matériel, en effet, celui auquel le philosophe attribue toute essence, toute puissance et toute action, envisageant d’un côté, les corps, leurs qualités sensibles, en nombre inépuisable, dont la séparation ou la réunion donnent lieu aux productions et aux changements ; de l’autre, l’Infini lui-même, sujet unique et divin moteur, qui conduit et gouverne, en disposant de ses propres matériaux, les évolutions innombrables des mondes construits et détruits dans la suite des temps. Car ils sortent de lui tous, et tous rentrent en lui. De même qu’ils naissent ils périssent, chacun après que son temps est accompli. Étant séparés, ils sont transitoires, et doivent porter, le moment venu, « la peine de leur injustice ».

L’Infini d’Anaximandre était sans doute l’Illimité, en un sens vague d’extension potentielle et d’immensité, et non point comme on l’imaginerait d’après un concept des temps postérieurs, le composé d’une infinité actuelle d’éléments, dont l’idée ne serait pas unie facilement à celles d’un agent ordonnateur, et de l’unité d’un tout qui