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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/96

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L’analyse appliquée à la conscience sous le point de vue empiriste confirma la thèse qui chez Descartes était née de ses réflexions sur le scepticisme : à savoir, que les qualités sensibles, dites de la matière, sont des modes de ce qu’on nomme l’esprit, à l’exception des qualités géométriques, qualités premières, auxquelles Descartes accordait la substantialité. Locke admit la thèse (avec la réserve). Il crut même l’avoir inventée. Berkeley la mit dans une grande lumière par une discussion approfondie, et montra de plus que les preuves qui sont valables contre l’existence substantielle des qualités secondes ne le sont pas moins contre l’existence des qualités premières, à s’en tenir au témoignage des sens. La sensation n’atteint rien hors d’elle-même, le sensible n’est que le sensible. Berkeley, n’admettant pas que des idées générales possèdent la substantialité, ou puissent la démontrer, essaya de leur retirer ce nom d’idée, pour ne l’appliquer qu’aux phénomènes sensibles, et seulement comme tels. Il nia l’existence subjective des corps, objets de la croyance commune, pour leur substituer ces idées dont il rapporta l’institution au Créateur. Dieu les distribuerait aux esprits selon leurs besoins et les rencontres, tout en les reliant entre elles de manière à composer un ordre universel. C’est donc un système équivalent à celui de Malebranche, mais dans lequel les signes sensibles seuls sont les choses, ainsi identifiées avec leurs apparences.

Restait l’existence des esprits. En regard de ces idées, que Berkeley assimilait à la matière, définissant strictement la matière : ce dont l’être consiste à être perçu, il y avait à poser l’existence corrélative du sujet apte à les percevoir. Berkeley admettait la «  substance pensante », celle du moi de chacun, comme intuitive pour lui ;