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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/262

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LA DERNIÈRE AVENTURE

« Mesdames, leur avait-il dit, j’allais à la procession du 15 Auguste ; mais si vous le permettez, je préférerais de vous accompagner, soit aux Tuileries, soit au Palais-Royal, où vous allez. — Il ne faut pas vous déranger, monsieur : un homme comme vous a des affaires importantes. — Ce dérangement sera un plaisir pour moi, madame. — Et moi, monsieur, vous me dérangeriez. — Madame a donc des affaires de conséquence aux Tuileries ? — De conséquence, ou de non conséquence ; je ne veux pas être accompagnée. — Apparemment la compagnie d’un honnête homme vous gênerait ? — Qu’appelez-vous, monsieur ? Vous êtes un… — Calmez-vous, madame ! mon intention n’est pas de vous piquer ! mais seulement de vous faire une observation toute simple, toute naturelle. — Je n’ai pas besoin d’observations de ce gendre. — Je vous la fais sans dessein ; cela m’est venu naturellement… Adieu, madame… mademoiselle, de tout mon cœur… Vous ne partagez pas la mauvaise humeur de votre maman, n’est-ce pas ? » Je ne sais quelle fut la réponse de Sara ; personne ne me l’a rendue, ni sa mère, ni elle-même, lorsqu’elle m’en parla.

D’après cette rupture, je fus tranquille. Mais on me trompait, au point que je fis pitié à Florimond, cet homme si digne de pitié lui-même. Il plaida pour moi et il fit décider que, lorsqu’on irait chez Lamontette, on ne coucherait pas. On y alla effectivement et l’on revint le soir.

Je disais que la persuasion que mon rival était abandonné, avait rétabli mon inclination pour Sara. J’eus alors une satisfaction que je regardai comme bien douce, et qui, au fond, n’était qu’une nouvelle duperie. J’avais renoué tout à propos, pour procurer à Sara une chose qu’elle désirait avec une ardeur infinie. Une femme, locataire de sa mère, était en couches : Sara, depuis la connaissance de Lamontette, s’était proposé de tenir l’enfant de cette femme. Certes, dans les premiers temps, cela n’aurait pas manqué, mais la fable de la rupture dérangea tout. Mon rival, très cancre, observa que c’était une dépense dont il fallait me charger, et qui me comblerait ! On se