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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/110

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mages de nos gendres futurs. Nous mariions également nos garçons, et je me satisfaisais encore en me donnant pour brus les filles de celles qui m’avaient plu davantage, après Jeannette… Arrivé au presbytère de Saint-Cyr (car le prieur envoyait chercher à Irancy notre viande avec la sienne, par son domestique à cheval), je me distrayais avec peine de ma chimère. En revenant chargé, elle se renouait ; une autre sorte d’ivresse s’emparait de moi en approchant de Courgis : j’allais voir, à la grand’messe, cette Jeannette qui venait d’occuper si délicieusement mon imagination.

Avec quel plaisir, quelle ivresse, quelle indicible volupté je devais revoir dans le temple celle qui avait si délicieusement rempli mon cœur toute la matinée ! dont l’image s’était amalgamée avec tout le charme de la Nature oriante et commençant un beau jour !… C’est ainsi que mon ivresse se fortifiait ; que l’amour, Jeannette, le bonheur, le mariage, la paternité, l’illusion se confondaient ensemble et ne formaient qu’un seul objet. Jeannette ; elle seule réunissait tout, et le charme qu’elle a répandu sur la nature entière ne cessera qu’à mon dernier soupir !

Un autre voyage que je faisais quelquefois, plus agréable encore, s’il est possible, que celui de Saint-Cyr, était celui de la maison paternelle. J’aimais, je chérissais mes parents et j’en étais aimé ; l’amour inspiré par Jeannette n’affaiblissait pas ces sentiments ; il fallait que celle qui en était la source ins-