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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/124

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temps, on jouait Molière à Paris ; mais on n’en savait rien à Sacy. Cette lecture fit une heureuse révolution dans mes idées ; elle me donna du goût. J’avais un avantage sur les jeunes gens de Paris, qui ont lu ou vu aux Boulevards, mille sornettes, avant de lire les bons modèles : moi, j’avais lu des fariboles, mais Jansénistes, et par conséquent raisonnées ; où rien n’était paradoxe, où tout avait la démonstration rigoureuse des vérités mathématiques. Je n’avais donc pas le jugement faussé, comme nos petits persifleurs, comme nos ergoteurs de Sorbonne ou de Saint-Sulpice ; ce fut sur une terre neuve que tombèrent les beautés du plus pur des Latins. Mais ce ne furent pas seulement les beautés de la diction, qui m’enchantèrent, ce furent les choses : j’adorai Térence en le lisant ; durant mon interruption forcée, profondément recueilli en moi-même, j’admirais la beauté de son génie ; et je me demandais comment l’esprit humain pouvait aller jusque-là ?

Le lendemain, à la dérobée, je repris mon divin Térence, et je continuai de lire ; mon admiration croissait avec l’intérêt du drame ; une noble ardeur m’enflamma : « J’en ferais autant », m’écriai-je, « étudions ! Ah ! si j’avais fait une pareille pièce, je ne serais plus honteux, ni sauvage ! J’irais trouver le père et la mère de Jeannette ; je leur dirais : « Tenez voilà ce que j’ai fait ; et je vous demande votre fille : je l’aime comme Pamphile aimait Glycérie ; elle sera heureuse avec moi, car je l’adorerai, et je vous