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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/136

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Ce fut là que, recueilli, je rougis de mon action, tout involontaire qu’elle était ; elle eut même, sur mon imagination et sur mes organes, des suites singulières. Pour empêcher le retour de l’émotion trop vive occasionnée par la jambe et le pied voluptueux de Marguerite, j’étais obligé d’avoir recours à mon antipathie pour le sang, en me représentant un soldat furieux, qui passait son épée au-travers du corps de Mme Chevrier ou de quelque autre jolie femme du bourg. (Ainsi que le contre-poison physique est un vrai poison, de même, j’avais recours à un objet de mort pour contre-balancer la surabondance de vie qui se manifestait en moi : le moral et le physique sont calqués l’un sur l’autre). Mais à l’exhortation, faite en chaire par le curé, j’eus un remède plus efficace, la vue de Jeannette : la belle, la modeste Rousseau ramena le calme dans mes sens : jamais elle ne les avait troublés ; son pouvoir s’exerçait sur la partie la plus noble de moi-même, elle m’inspirait toutes les vertus, jusqu’à la chasteté ! Je ne vous en impose pas ici, citoyen lecteur : si je voulais mentir, ou seulement taire la vérité, vous n’auriez pas les dernières pages que vous venez de lire.

Ce qui m’était arrivé le jour de l’Assomption, fait époque dans ma vie. Depuis cette crise, la première que j’eusse parfaitement sentie, je continuai d’aimer Jeannette aussi purement et sans songer à ses faveurs ; je l’aimais, indépendamment de tout autre plaisir que celui de l’aimer. Mais après huit jours