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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/147

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pour aller prendre l’air dans le jardin ; Marguerite alla dans la chambre du curé pour lui rendre compte de ses commissions particulières ; je saisis cet instant.. Il est des écarts qui ne peuvent se raconter : mais si je ne les faisais pas entrevoir, certains événements deviendraient invraisemblables ou l’effet de la folie : on jugera par ce qui va suivre si j’ai dû y préparer. Ce fut à la jolie chaussure, qui venait de m’enchanter aux pieds de Marguerite, que je m’en pris…

Dans le temps où les désirs que m’inspirait cette bonne fille étaient dans leur plus grande effervescence, elle fit à la ville un autre voyage. Il fut décidé par mes frères, d’après la peine que Martin avait faite à la pauvre sœur, à son dernier voyage, qu’elle serait accompagnée par l’un de nous. Elle ne voulut pas de Melin ; on ne se soucia pas de lui donner Huet, à qui l’on avait à reprocher des imprudences majeures, avec son jeune et joli camarade. Ce fut donc moi qui fus nommé. La sœur se para d’une manière qui me prouva que les femmes sur le retour, quand elles ont été jolies, savent à merveille prendre leurs avantages, et repousser dix ou quinze de leurs années. Marguerite, avec un bagnolet de fine mousseline sur la tête, la taille pincée par un corset à baleines souples, recouvert d’un casaquin juste de coton, plus blanc que l’albâtre, un tablier de toile à carreaux rouges, une jupe de soie gorge de pigeon, chaussée en souliers de maroquin noirs, à talons hauts et minces, avec des boucles à pierres, ne