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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/162

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gouvernante pour cette journée. On ne fut au lit qu’à dix heures.

Le presbytère, depuis rebâti, était alors composé de quatre pièces au rez-de-chaussée : la chambre du curé, avec un cabinet, qui donnait sur le jardin ; la grande pièce du milieu, qui nous servait de salle à manger, de classe et de chambre à coucher (il y avait quatre lits : celui de l’abbé Thomas, au fond, le mien auprès de la porte de la cuisine, et derrière, les deux petits baldaquins d’Huet et Melin) ; la cuisine, où était le lit de Marguerite, terminait l’enfilade… On sait que le grand air seul, pour les personnes sédentaires, augmente le penchant à la volupté ; ajoutez-y tout ce que j’avais vu et senti dans la journée. J’étais hors de moi-même… Au milieu de la nuit, lorsque je compris, à la respiration de tout le monde, qu’on était sous l’empire de Morphée, je me levai doucement ; sans réfléchir à quoi je m’exposais, j’entrai dans la cuisine, dont la porte ne fermait qu’à la Spartiate. Je cherchai à tâtons le lit de la gouvernante : je le trouve, j’écoute… Elle dormait… Je me glisse auprès d’elle… Marguerite rêvait. Elle disait entre ses lèvres : « Laisse-moi, mon cher Denêvres, laisse-moi ! » Excité par là, guidé par la nature et par mon expérience, je réalisai doucement son rêve… Marguerite s’éveilla trop tard ; elle partageait mes transports… Je demeurai comme anéanti dans ses bras, après une vivacité qui tenait de la fureur. Au lieu de me gronder, il fallut me ranimer sans bruit ; car elle m’avait d’abord cru évanoui absolu-