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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/18

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ancien ami, qui nous emmena souper chez lui. J’y fus si timide que, sans ma mère, je n’aurais pas osé manger.

Le jeudi matin, nous partîmes par le coche-d’eau, mon père et moi ; ma mère s’évanouit à l’instant de la séparation.

Je ne pus supporter le coche, à cause des fréquents coups de perche que donnent les maladroits conducteurs de cette lourde nacelle, pour lui faire éviter les bancs de sable qui l’engravent. J’y avais pourtant de l’amusement. Nous avions fait ordinaire avec une famille Parisienne, où se trouvait une fille de mon âge, qui, douce et polie, comme toutes les filles de Paris, faisait ce qu’elle pouvait pour m’amuser : elle en était aux petits soins. Mais j’avais le mal de mer, comme si nous avions navigué sur l’Océan, et je ne pouvais manger : de quel plaisir aurais-je été capable ? J’avais cependant éprouvé une velléité, à la première vue, occasionnée par la chaussure délicate de ma jolie complaisante… Mon père fut obligé de quitter le coche.

Lorsque nous eûmes mis pied à terre, nous prîmes les carrioles. Je ne pus en supporter le cabotage ; je me mourais : mon père fut donc forcé d’aller à pied. Mes caprices, ma sauvagerie le firent beaucoup souffrir ! mais s’il s’en plaignait, c’était avec une douceur que j’ai souvent admirée depuis.

Aux environs de Melun, je crus voir une campagne immense, couverte de moutons : c’étaient de petits rochers de grés. Il y en avait sur notre chemin que,