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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/213

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ses espérances !… Jamais m’a-t-on demandé à Auxerre, quand vos deux aînés y étudiaient, pour m’exposer de pareilles turpitudes ?… Moi, leur père, j’ai rougi devant eux d’être le vôtre !… Il me semblait que je partageais votre infamie !… Je voyais leurs regards et leur surprise me reprocher un second mariage, que de premiers enfants blâment toujours, et qu’ils peuvent aujourd’hui blâmer, puisqu’il a produit des fruits tels que vous… Vous venez, par vos écrits et par vos actions, de faire rougir votre père… »

Il se tut, ce père respectable ; et moi, confondu, anéanti, je sentis un véritable remords, accompagné d’une ferme résolution de ne plus retomber dans la même faute. « Ho ! » pensais-je en moi-même, « si mon père savait tout !… » Je fus tenté de me jeter à ses pieds, et de lui confesser toute ma conduite, de réclamer son indulgence, en lui disant que je m’accusais, pour avoir un frein de plus… Mais je n’en n’eus pas la force. Il me vint ensuite dans l’idée de le prier de m’assurer la main de Jeanne Rousseau pour quand j’aurais un état : le reproche, « Il vous en faut douze ! » m’arrêta. Je sentais d’ailleurs mon incapacité, mon néant, avec d’autant plus d’énergie, que j’étais plus humilié ; j’avais perdu jusqu’à mon courage… Enfin, voyant que mon père, en continuant de se taire, semblait exiger que je répondisse, je dis : « — Mon père !… Je demande pardon à Dieu et à vous, d’une faute plus grande, je le vois bien, que je ne l’avais d’abord pensé : le chagrin