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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/56

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flatté ; il dit tout bas aux deux acolytes : — « Mon père a une Bible ; frère Augustin la lisait sans cesse ; il a bien fait de l’avouer… » Je devais bientôt étonner davantage mes camarades, et le maître lui-même.

Il y avait, ou il y a sept à huit ecclésiastiques à Bicêtre : ce sont comme les prêtres-habitués des paroisses ; et pour toutes les maisons de l’Hôpital-Général, un recteur, qui en est comme le curé. Les prêtres-habitués, même le doyen, ou vicaire, mangent ensemble dans un réfectoire commun. Deux élèves des enfants de chœur y allaient faire la lecture, pendant le dîner et le souper ; et afin qu’elle fût profitable à tous, le tour était hebdomadaire : quelquefois même on le prolongeait, pour que deux enfants connussent l’histoire entière d’un personnage, comme on raccourcissait quelquefois. J’allai, à mon tour, lire au réfectoire des prêtres, et je ne pouvais mieux tomber ; c’était, dans la grande Histoire Écclésiatique de Fleury, celle du trop célèbre Abeillard, mal à-propos écrit Abaillard, et qu’un prêtre me fit, plus mal à propos encore, prononcer Abêlard. Je la commençai : elle me faisait un si grand plaisir, que j’étais bien peiné quand le semainier frappait des mains, pour cesser la lecture. De retour à notre dortoir, je répétais tout ce que j’avais lu. Mais je m’aperçus que l’abbé Thomas fronçait le sourcil, lorsqu’il fut question d’Héloïse, et j’eus soin, les jours suivants, de passer tout ce qui la concernait ; ces détails ne m’en restèrent que plus profondément