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Page:Retté - Réflexions sur l’anarchie. Promenades subversives.djvu/22

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On dit : « Mais la plupart des hommes ne savent pas raisonner. » Laissez-les libres, ne leur imposez rien, ils apprendront à raisonner par leur propre expérience. Aujourd’hui, il n’en va pas ainsi. — Au collège, qui est mal noté ? le Raisonneur. Au régiment, de même. Dans les administrations, aussi — et partout, dans la vie telle qu’elle nous est faite. C’est parce que le Raisonneur est celui qui veut se rendre compte. Cette qualité lui vaut les tracasseries d’autrui — et sa propre satisfaction.

Le sentiment de justice c’est l’instinct de sauvegarde individuelle élargi : si je moleste mon voisin, je lui donne un prétexte de me molester à son tour. Il y entre aussi une part d’esthétique : la souffrance est laide. Si mon voisin souffre, cela me déplaît, cela me donne l’impression d’un manque d’harmonie. Ne pas tolérer qu’il ait faim alors que je suis rassasié, ne pas admettre qu’il soit esclave alors que je suis libre, c’est me faire plaisir à moi-même.

On parle toujours des paresseux. Il n’y a de paresseux que dans une société où le bien commun est mal réparti. Les uns possédant tout sans avoir travaillé, les autres, rien bien qu’ils travaillent sans cesse, il en résulte que le travail est considéré comme une souffrance par ceux-ci, comme une dégradation par ceux-là. Mais laissez le bien commun à la disposition de tous, vous verrez les individus travailler avec plaisir à augmenter leur bien-être et laisser le surplus de ce qu’ils auront produit à autrui dès que leurs besoins seront satisfaits.