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Page:Reveille-matin des François, 1574.djvu/388

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D I A L O G V EI I.

auiſer treſ‍tous enſẽble de remedier à leurs malheurs. A la verité dire, mon compagnõ, c’eſ‍t vne choſe bien eſ‍trange de voir vn milliõ de milliõs d’hommes ſeruir miſerablemẽt ayans le col ſous le ioug, non pas cõtrains par vne plus grãd force : mais auicunemẽt (ce me ſemble) enchãtez & charmez par le nom ſeul d’vn, duquel ils ne doyuẽt ne craindre la puiſ‍ſance, puis qu’il eſ‍t ſeul : ne aimer les qualitez, puis qu’il eſ‍t en leur endroit inhumain & ſauuage.
La nobleſ‍ſe d’entre nous hõmes eſ‍t telle, qu’elle fait ſouuẽt que nous obeiſ‍ſons à la force : il eſ‍t beſoin de temporiſer, nous ne pouuons pas touſiours eſ‍tre les plus forts. Si dõques vne natiõ eſ‍t contrainte par la force de la guerre de ſeruir à vn (comme la cite d’Athenes aux 30. tyrans) il ne ſe faut esbahir qu’elle ſerue : mais ſe plaindre de l’accident, ou pluſ‍toſ‍t ne s’esbahir ny ne s’en plaindre : ains porter le mal patiemment & ſe reſeruer à l’auenir à meilleure fortune.
Noſ‍tre nature eſ‍t ainſi, que les communs deuoirs de l’amitié emportẽt bõne partie du cours de noſ‍tre vie. Il eſ‍t bien raiſõnable d’aimer la vertu, d’eſ‍timer les beaux faits, de recognoiſ‍tre le biẽ d’où l’on la receu, & diminuer ſouuent noſ‍tre aiſe pour augmẽter l’hõneur & auãtage de celuy qu’on aime & qui le merite. Ainſi donc ſi les habitans d’vn pays ont trouué quelque grãd perſonnage qui leur aye monſ‍tré par eſpreuue vne grande prouidence pour les garder, vne grande hardieſ‍ſe pour les defendre, vn grand ſoin pour les

gouuerner : ſi de là en auant ils s’appriuoiſent de

luy