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Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/199

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mieux que toute autre ; même ses moindres paroles étaient plus distinguées que celles de ses compagnes. Il se rappelait toutes ces choses qui ajoutaient à sa beauté ; et dans l’obscurité, il croyait voir encore son visage.

La dame d’honneur, en arrivant chez la mère, était déjà saisie de tristesse au moment d’ouvrir la porte. La vieille dame vivait solitaire ; elle n’avait qu’une servante ; mais cet intérieur de femme était bien tenu. Elle s’était déjà couchée, à cause de son grand age. Dans le jardin, des mauvaises herbes, ravagées par le vent d’automne, et qu’éclairait la lumière de la lune, seule visiteuse de cette demeure éloignée. La mère, regardant la figure de la dame d’honneur sous la lueur lunaire, ne put d’abord prononcer une parole. « Je suis toute confuse, dit-elle enfin, qu’une messagère de l’empereur soit venue ici, à travers la rosée de ce jardin abandonné. » Et elle éclata en sanglots.

(Chap. Ier.)

LA CONVERSATION D’UNE NUIT DE PLUIE[1]

C’était un soir de la saison des pluies[2]. Comme la pluie tombait toujours, le palais était presque désert, et même les appartements de Ghennji étaient plus calmes qu’à l’ordinaire. Lui, s’occupait à lire sous la lampe. À un certain moment, il prit dans un meuble toutes sortes de papiers et de lettres. Le Tô no Tchoujo[3] marqua un vif désir d’y

    de la musique japonaise. Le koto, qui n’avait d’abord que six cordes, en a treize aujourd’hui. À l’époque du Ghennji, d’ailleurs, on connaissait déjà ce dernier genre de harpe.

  1. Ama yo no monogatari. — Ce fameux chapitre est connu aussi sous le nom de Shinaçadamé, « la Critique » des femmes. Ghennji et ses amis y discutent, en effet, les divers caractères féminins ; et comme l’auteur a justement voulu peindre, à travers les mille aventures de son roman, toute une galerie de portraits de femmes, les commentateurs japonais voient, non sans raison, dans cette analyse générale des types les plus essentiels, une sorte de clef qui, d’avance, livre au lecteur la psychologie de l’ouvrage.
  2. Mai et surtout juin. Il y en a d’ailleurs une seconde, en septembre et octobre.
  3. Beau-frère de Gbennji, dont il avait épousé la sœur. Il venait de recevoir, à seize ans, le titre de Tò no Tchoujo, « général de la garde impériale, chef des chambellans ». Ghennji lui-même était alors Tchoujò, a général de la garde ». Les deux amis, bien que