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INTRODUCTION

toire, de littérature classique, de droit et de mathématiques répandirent très vite la science chinoise, il devait être marqué par un renouvellement des esprits ; et de fait, nous assistons alors à un réveil simultané de la curiosité historique et du lyrisme. La prose de l’époque, représentée par des Édits solennels, par l’outrage capital qu’est le Kojiki et par des Foudoki descriptifs des provinces, offre en général plus d’intérêt dans le fond que dans la forme ; mais la poésie arrive d’emblée à une perfection qui se sera plus égalée et les vers du Manyôshou témoignent que, dans ce domaine, l’ère de Nara fut vraiment l’âge d’or.

III. — Cette civilisation atteint son apogée à l’époque classique, c’est-à-dire à partir du moment où Kyoto devient la capitale définitive (794), sous le beau nom de Héian-jô, « la Cité de la Paix ». Durant le ixe siècle, le xe et la première moitié du xie, la prospérité matérielle, la culture sociale et les raffinements de l’esprit se développent de concert. Les empereurs ont depuis longtemps abandonné la direction politique à l’ambitieuse famille des Foujiwara, qui bientôt, à son tour, néglige l’administration pour ne songer comme eux qu’à de délicats plaisirs. La cour est un lieu de délices, où les mœurs sont plutôt libres, mais où le luxe inspire les arts et où une douce indolence permet les rêves légers de la poésie. Tous les hôtes du palais, courtisans et dames d’honneur, sont des lettrés et des esthètes ; quand ils ne sont pas occupés aux intrigues ordinaires d’une cour, ils passent leur temps à admirer des fleurs ou à visiter des salons de peinture, à échanger des vers spirituels ou à se disputer le prix de quelque concours poétique. C’est ainsi que, dès le début du xe siècle, le Kokinnshou reprend la longue série des anthologies officielles qui, peu à peu,