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Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/268

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ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

de gens aussi incalculable, il s’entendit avec d’autres saints personnages pour écrire sur le front de tous les morts qu’ils trouveraient le caractère A, comme signe d’union[1]. Quand on eut compté ces morts pendant les 4e et 5e mois seulement, on obtint, pour l’espace de la capitale situé au sud de la Première avenue, au nord de la Neuvième avenue, à l’ouest de Kyôgokou et à l’est de Shoujakou[2], plus de 42.300 corps. Il faut y ajouter encore ceux qui moururent dans les quartiers voisins, et aussi dans les faubourgs de Kawara, de Shirakawa, de Nishi-no-kyo, en nombre incalculable ; et dans les diverses provinces, dans les Sept régions[3] ! J’ai appris que pareil événement s’était produit sous le règne de l’empereur Soutokou, pendant l’ère Tchôjô[4] : j’en ignore les détails ; mais le spectacle que je viens de décrire est bien le plus étrange et le plus lamentable que j’aie vu de mes yeux[5].

Dans la 2e année de l’ère Ghennréki[6], il y eut un grand tremblement de terre. Il fut exceptionnel. Les montagnes étaient fracassées et venaient combler les rivières ; la mer se soulevait et envahissait la terre ; la terre se crevassait et l’eau en sortait ; les rochers brisés roulaient dans les vallées ; les bateaux qui côtoyaient les rivages y étaient portés par les vagues ; les chevaux sur les routes ne savaient où poser le pied. Dans la capitale, de tous côtés, les temples, les pagodes, les monastères, les chapelles mortuaires, rien n’était épargné : les uns étaient lézardés, d’autres renversés ; et de ces débris, cendres et poussières

  1. Le caractère chinois qui représente la première syllabe du nom d’Amida (Amitâbha, le plus populaire des Bouddhas, au Japon comme en Chine).
  2. C’est-à-dire : dans l’espace borné au nord par la Première avenue, au sud par la Neuvième, etc.
  3. Shitchi-dô, les sept grandes divisions (Tôkaïdô, Tôçandô, etc.) entre lesquelles se partageaient toutes les provinces de l’empire.
  4. 1132-1134. — Pour Soutokou, voir p. 130, n. 3.
  5. Comparer les descriptions des grandes famines de notre Moyen-âge, et plus récemment, au Japon même, de celles du temps des Tokougawa.
  6. 1185.