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INTRODUCTION

Un autre caractère de cette littérature consiste dans sa vulgarité ; car en passant d’une fine aristocratie à une classe commerçante encore mal éduquée, les œuvres d’imagination sont tombées brusquement d’une société souvent très libre, mais toujours décente dans l’expression des idées les plus hardies, à une foule brutale qui réclame surtout une pâture pornographique. Tel est, en effet, le goût nouveau qu’indique désormais le roman, et qui apparaît aussi au théâtre. Mais, dans les classes élevées, qui ont gardé la délicate sévérité d’autrefois, auteurs et lecteurs maintiennent la dignité élégante des bonnes lettres, et, lorsqu’ils ne s’amusent pas à composer des épigrammes qui rappellent la Grèce antique, c’est dans les écrits de philosophes à la fois profonds et souriants qu’ils trouvent les plaisirs de l’esprit. La vie intellectuelle, d’ailleurs, devient alors plus intense qu’elle ne l’avait jamais été ; si le rêve bouddhique est en décadence, la morale virile des sages chinois obtient chaque jour plus de crédit ; et de cette influence chinoise, la littérature des Tokougawa tire une puissance toute nouvelle, jusqu’au jour où un groupe de penseurs nationalistes essaie, par une dernière réaction, de ressusciter le vieux shintoïsme et prépare ainsi, avec la chute de l’ancien régime, la restauration du pouvoir impérial.

VII. — C’est alors le Japon moderne qui se révèle et qui, soudainement, grandit sous nos yeux, depuis la révolution de 1867 jusqu’à l’heure présente : c’est, sous la commotion du danger extérieur, l’organisation précipitée d’une centralisation plus ferme et plus efficace ; la décision si sage, prise par les hommes d’État du « Gouvernement éclairé », de renoncer à tout ce vieux Japon qu’ils aimaient pour faire face à des nécessités imprévues,