Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/335

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EPOQUE DES TOKOUCAWA 321 contemple la montagne et les eaux, on chante avec le vent et on envie les oiseaux. Ces plaisirs légers nous char- ment toute la journée, sans nous causer de mal, sans chagriner les autres et sans contrarier le Ciel, ils sont aisés à acquérir, même pour les pauvres, et n’ont pas de mauvais effets plus tard. Les hommes riches, occupés de luxe et d’amusements, ne comprennent pas ces plaisirs. Aux hommes pauvres et humbles, qui n’ont pas ce double défaut, il est aisé de se les procurer, s’ils le veulent. Mais le renom d’Ekikenn s’explique surtout par son rôle comme éducateur, et en particulier par un ouvrage demeuré fameux : YOnna Daïgakou, ou « la Grande Ecole des femmes x ». C’est un tout petit livre, d’une importance énorme : car il fut comme le manuel de l’aristocratie japonaise, pour l’éducation des filles, pendant les deux derniers siècles ; il représente l’évolution qui eut pour effet de combiner, à la femme d’esprit du vieux Japon, la femme obéissante de la morale chinoise ; et si cette doctrine austère, d’ailleurs atténuée dans la vie prati- que, dut aboutir parfois à l’écrasement de natures délicates par des tyrannies brutales, il n’en est pas moins vrai que, d’une manière générale, elle parvint à former ce type parfait de dou- ceur, de modestie et de charme qui est celui de la vraie Japo- naise et qui frappe d’admiration l’observateur impartial*. i. Dans ces derniers temps, on a discuté le point de savoir si YOnna Daïgakou est bien d’Ekikenn. Sans reproduire ici cette con- troverse, je constate seulement, d’une part, que d’autres ouvrages d’Ekikenn prêchent exactement la même doctrine ; d’autre part, que, même s’il n’est pas d’Ekikenn, YOnna Daïgakou conserve toute sa valeur intrinsèque ; et par conséquent, ie donne à cet ouvrage la place qu’il mérite, en le rangeant sous le nom de l’auteur auquel on l’a toujours attribué. 2. Pendant un séjour de sept années à Tôkyô, j’ai entendu parler de maints scandales domestiques dans les divers milieux européens : je n’ai jamais vu ternir du moindre soupçon l’honneur d’une femme de la haute société indigène. L’épouse japonaise respecte trop son mari pour pouvoir songer à une trahison. Est-ce à dire qu’elle soit une esclave ? Nullement. Mais, tandis qu’en Occident les conjoints forment trop souvent un attelage désuni, où chacun tire de son côté et entrave la marche commune, au Japon le mari, tout en con- sultant sa femme, la dirige et décide toujours en dernier ressort. Le mari commande, avec douceur ; la femme obéit, en souriant ; et le ménage conserve une paix heureuse. Le secret de cette harmonie est dans YOnna Daïgakou, que je vais donner en entier. 21 , y Google