Page:Revue de Paris, 23e année, Tome 6, Nov-Dec 1916.djvu/465

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Elle ne put s’empêcher de lui demander :

— Vous disiez que vous êtes fils unique.

— C’est, exact. Je n’ai pas de frère.

— Ni de cousins… nés comme vous à Avranches ?

— Je n’ai que des cousines… des fillettes : la plus âgée a treize ans… Pourquoi me demandez-vous cela ?

Elle se troubla, ses tempes rosirent ; il ne s’en aperçut point :

— C’est ce que le major, là-bas, m’a demandé au moment où je me suis endormi… Et c’est bizarre… Qui ça peut-il intéresser ?

— Si on avait trouvé sur le champ de bataille quelqu’un qui vous ressemble beaucoup ?

— Et qu’on ne peut pas identifier ?

— Peut-être…

En ce moment, le docteur Formentai parut au seuil de la salle.


Dans la salle voisine, madame Louise de Bréhannes s’était arrêtée auprès du lit de l’autre Givreuse. Il venait de s’éveiller. Une infirmière rousse lui donnait à boire.

Quand il eut bu, le malade regarda les deux femmes avec inquiétude. Puis, il demanda :

— Ai-je dormi ? Il me semble que l’on m’a changé de lit.

— Vous étiez à Viornes, — répondit Louise de Bréhannes, de sa belle voix d’airain… — On vous a transporté ici pendant vôtre sommeil.

— J’ai donc dormi longtemps ?

— Deux jours et deux nuits…

— Deux jours, madame ?

— Deux jours.

— C’est effrayant… Et pourquoi ? Mes blessures sont-elles graves ?

— Non ! Dans quinze jours, vous serez debout.

— Je voudrais avertir ma mère…

— Nous lui écrirons…

Comme l’autre, le blessé avait un visage trouble, roide et un peu spectral.

— Je suis encore bien fatigué, — dit-il. — Pourtant, ce long sommeil…