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Page:Revue de Paris, 23e année, Tome 6, Nov-Dec 1916.djvu/776

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Depuis un quart de siècle, il ne faisait plus aucune communication à l’Académie des Sciences et ne publiait rien dans les revues. Cependant, il n’avait pas renoncé. Au rebours, il travaillait avec opiniâtreté dans un grand laboratoire installé au château ; on savait confusément que ses expériences relevaient autant de la biologie que des sciences physico-chimiques.

Deux neveux étaient venus au château après la victoire de la Marne, et avaient reparu récemment. D’abord, on crut qu’Antoine de Grantaigle s’était simplement retiré, devant l’invasion. Depuis, on hésitait entre trois hypothèses ; il était enseveli sous les décombres ; il avait été mis à mort par les ennemis dans quelque coin de la lande ou de la forêt ; on l’avait déporté en Allemagne.

Les neveux ordonnèrent des recherches qui, jusqu’à présent. n’avaient pas abouti.

Savarre se fit conduire auprès d’un de ces neveux, qui était engagé dans les services auxiliaires. C’était un homme de complexion chétive qui, en temps de paix, occupait ses loisirs à une Histoire des origines de la Chevalerie et à des Considérations sur l’évolution de la science héraldique. Il avait entendu parler de Savarre ; sans connaître les travaux du médecin, il le tenait pour un grand homme.

L’entrevue eut lieu dans une gare déserte, où des wagons attendaient une locomotive. Le neveu de Grantaigle tint pour suffisants les vagues prétextes qu’invoquait Savarre et donna quelques détails sur le savant :

— Un homme impénétrable ! Nous le connaissions mal : je crois savoir qu’il s’occupait beaucoup de radiations, de l’origine de la vie terrestre… Mais personne n’entrait dans son laboratoire, hors un jeune Champenois aussi secret que lui, qui fut mobilisé et qui périt dans les Hauts de Meuse. Vous connaissez les premières découvertes tes de mon oncle ?

— Elles sont remarquables et d’une grande originalité.

— On le dit. Je ne suis pas compétent. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’avait rien perdu de son intelligence et que son endurance au travail semblait inouïe. Il y a donc lieu de croire qu’il a fait d’autres découvertes ; mon impression est qu’elles doivent dépasser les premières et former une manière de Tout… S’il n’a pas jugé utile de les publier, c’est qu’il devait