Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/120

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» Il y a bien peu de gens qui connaissent ces vers-là !

— C’est vrai… Toutefois, remarque qu’il y est question de l’oiseau qui va chanter. Or, les deux fois qu’on les a récités devant toi, un oiseau chantait… Deux esprits qui se ressemblent autant que ceux de Pierre et de Philippe ont pu subir la même évocation. C’est extraordinaire, ce n’est pas surnaturel…

— Si vous aviez raison !…

— J’ai raison, marquisette !… Il faut me croire et vous reposer… Mais que doit-on croire là-bas ?

— Mon Dieu ! — gémit la jeune fille… — Il est intolérable que j’aie donné de l’inquiétude à madame de Givreuse… que faire ?…

— Tout simplement envoyons une dépêche… Comme je ne puis vous laisser seule, madame de Givreuse viendra… Il me semble que je saurai lui faire comprendre…

— C’est si difficile… La moindre allusion peut jeter le trouble dans toutes les âmes…

— Je ne songe pas à dire la simple vérité… ni à la faire deviner…

La corne d’une automobile sonna dans la petite rue… Les deux femmes regardèrent la fenêtre. Une limousine s’arrêta :

— C’est Pierre, — exclama Valentine avec effroi… ou Philippe !

— Je vais le recevoir…

Madeleine ouvrit vivement une porte et conduisit Valentine dans une minuscule salle à manger.

Deux coups de marteau retentissaient dans le corridor.

Le visage du visiteur apparaissait presque rigide. Mais ses yeux dénonçaient une sombre inquiétude.

Mademoiselle Faubert l’introduisit dans le petit parloir. Il regardait autour de lui, fébrilement…

— Pardon, — dit-il, — n’avez-vous pas vu… mademoiselle de Varsennes ? Elle…

— Elle est ici, — répondit tranquillement Madeleine.

Un sourire nerveux entr’ouvrit les lèvres du jeune homme :

— Dieu soit béni ! — soupira-t-il. — Nous avons tout pu craindre… Cependant, en route, j’ai eu le pressentiment qu’elle devait être réfugiée auprès de sa plus sûre amie !