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Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/400

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— Thérèse ! — balbutia-t-il.

D’un mouvement vif, fort et souple, elle se dégagea :

— Vous n’avez pas le droit de m’appeler ainsi ! — se récria-t-elle.

Un instant, l’émotion demeura sur elle et détendit sa bouche. Ses pupilles s’étaient dilatées au point que l’iris ne formait plus qu’une bague brillante.

Elle se reprit ; le visage devint grave et dur :

— Me voilà sur mes gardes ! Ne comptez sur aucune surprise ! — fit-elle d’un ton de défi.

Il la connaissait bien. Il savait qu’elle demeurerait maîtresse d’elle-même, jusqu’à la minute où elle consentirait librement…

Six heures sonnèrent. Elle dit :

— Je vais recevoir une visiteuse. Vous verra-t-on demain ?

— Je ne sais pas… Nous allons essayer un canot électrique… un grand canot insubmersible, qui pourra peut-être, quand il sera au point, servir contre les sous-marins…

— Ah ! — fit-elle intéressée… — On prétend qu’il y a des sous-marins près du littoral… Comment un canot pourrait-il combattre ces monstres ?

— Le canot est extrêmement rapide… avantage qui s’accroît de sa petitesse… il peut lancer une torpille légère… qu’on croit efficace…

L’anxiété se répandit sur le visage de Thérèse. Elle serra nerveusement la main de Philippe…

— Venez dès que vous serez rentré… à n’importe quelle heure !


L’aube allait venir. On ne sait quels haillons de lumière traînaient sur la mer et dans l’immense ténèbre du ciel. Il y avait des ébauches de moires, des miroitements blafards, de vagues et fugitives phosphorescences. Puis on commença de discerner des nuages gris de limaille et des vagues gris de boue.

De l’orient blême, la piquette du jour se répandit sur les plaines sauvages de l’Océan ; des nuées laineuses bourraient le firmament.

Une petite barque venait de surgir des falaises. Elle avait presque la couleur des flots et les deux hommes qui la mon-