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Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/406

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Il réussit effectivement à fixer la barque à une pointe granifique, et ils débarquèrent. Une demi-heure s’écoula, l’Insubmersible ne coulait pas ; de-ci de-là un ressac le secouait, et déjà la tourmente s’apaisait ; une trouée bleuissante creusait le zénith :

— Chance, monsieur, — remarqua Salaun, — le bachot m’a tout l’air d’être sain… si on pouvait seulement faire marcher la mécanique !

— C’est difficile… et peut-être impossible… Les qualités propres au canot s’y opposent… Il faut un outillage spécial pour entrer là dedans !…

Ils s’étaient réfugiés dans l’échancrure. Cela formait, au centre, une espèce de caverne au plafond fendu. Le sol était lisse, poli par les vagues, presque horizontal. À marée haute, il était submergé.

— On est tranquille pour plusieurs heures… et, à la haute marée, on peut grimper… y a une façon de niche, où on tiendrait deux.

— Le temps s’apaise.

— Faudrait des chances pour accoster là-bas… Bah ! on rencontrera du monde avant…

L’aventure n’inquiétait plus Philippe. Il était content. L’infime Insubmersible venait de rendre un service qui dépassait de loin sa valeur marchande. Toutefois le hasard avait fait les trois quarts de la besogne. Philippe n’ignorait certes pas qu’un ou plusieurs sous-marins s’étaient montrés en vue des côtes, mais rien ne pouvait le guider, d’autant plus que l’indice d’un jour ne signifiait rien pour le lendemain. Son expérience avait été heureuse : si le canot n’était pas au point, il avait pourtant montré des qualités positives…

Pendant que Philippe songeait, le beau temps était revenu, avec cette soudaineté qui semble plus fréquente encore sur l’océan que sur la terre.

Salaun était retourné vers la barque. Il se livra pendant quelque temps à des manœuvres… Puis, sa silhouette trapue se dressa :

— Ça va… la mécanique marche, monsieur Philippe !