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Page:Revue de Paris - 1895 - tome 1.djvu/727

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LA SÉPARATION DES POUVOIRS

pouvoir, le modérateur. Sa formule eut l’honneur de plaire aux Portugais et le pouvoir modérateur fit son entrée officielle dans les constitutions du royaume de Portugal et de l’empire du Brésil ; toutes deux l’attribuaient au roi ou à l’empereur. C’était tout simplement le pouvoir reconnu au prince dans toutes les monarchies constitutionnelles de dissoudre la Chambre, de nommer les pairs, et de sanctionner les lois.

Puis un des chefs doctrinaires, le duc de Broglie, commença en 1828, contre la juridiction administrative contraire au principe de la séparation, une campagne qui, après de longues discussions, aboutit, par la loi de 1845, à consolider la juridiction du Conseil d’État.

La Révolution de 1830 parut favorable à la doctrine de la séparation des pouvoirs. Le titulaire de la chaire de droit constitutionnel fondée par les vainqueurs de Juillet, Rossi la professa publiquement. Le Congrès de 1831 chargé de rédiger la Constitution du nouveau royaume de Belgique, déclara que « tous les pouvoirs émanent de la nation » et les distingua en législatif, exécutif et judiciaire. La justice administrative fut attribuée aux députations permanentes des conseils provinciaux et l’indépendance du pouvoir judiciaire fut proclamée si solennellement qu’une polémique put s’élever en 1851 entre deux jurisconsultes belges[1] sur le droit des juges à refuser d’appliquer une loi régulièrement votée par le pouvoir législatif si elle leur paraissait contraire à la Constitution.

Pendant que la théorie de la séparation des trois pouvoirs s’étalait dans les écrits, la pratique de la vie parlementaire enracinait dans les États de l’Europe une réalité opposée à la théorie : la collaboration des chambres et du ministère et la subordination des tribunaux au gouvernement. La charte de Louis-Philippe conserva le texte de la charte de Louis XVIII. Les auteurs des Constitutions de l’Espagne, les modérés de 1834 et de 1845, les progressistes de 1837, adoptèrent un règlement analogue comme une nécessité indiscutable prouvée par l’expérience.

On retrouve cet arrangement même dans les Constitutions nées du mouvement de 1848, dans la constitution de Hol-

  1. E. Verhaegen et Ch. Faider.