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Page:Revue de Paris - 1895 - tome 5.djvu/671

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LA REVUE DE PARIS

n’exprime qu’un peu de vin. La vie ! combien il en reste peu de réellement vécu au fond du verre ! » C’est ce « réellement vécu » que je voudrais tirer des notes familières recueillies de sa bouche par une main fidèle, la main de l’amie qui est devenue sa seconde femme.

Il n’y faut chercher ni une biographie suivie, ni une appréciation raisonnée de son œuvre. C’est simplement le témoignage sur lui-même d’un homme qui, dans son atelier, en promenade par les bois de Saint-Germain et de Marly, en voyage à Antibes, à Venise, à Rome, à Florence, en Hollande, en Suisse, au sortir d’une exposition, d’un musée, d’une séance de l’Institut, approfondit, effleure, traite, suivant la circonstance et l’impression du moment, les sujets les plus divers. Rien de moins didactique ni de plus libre. Mais rapprochés les uns des autres, ces entretiens épars, tour à tour élevés et aimables, graves et piquants, toujours sincères, offrent un ensemble d’indications, presque de confidences, où le maître, où l’homme apparaît, vivant et naturel, dans le cadre journalier de ses idées et de ses sentiments.


I

LES ANNÉES DE JEUNESSE


Son enfance avait été attristée, sa jeunesse laborieuse et difficile. C’est le trait commun aux artistes qui, n’ayant pas trouvé au foyer de la famille la direction et l’appui, se sont élevés d’eux-mêmes. L’épreuve eut ceci de particulier pour Meissonier qu’elle trempa son caractère, sans altérer les sources où devaient se nourrir son âme et son talent. De bonne heure il fut un tendre et un vaillant :

Si « dans l’autrefois de son existence, tout au fond, où sa pensée aimait à plonger comme le pêcheur pour y chercher les perles, certaines dates s’étaient perdues », les sentiments qui s’y rattachaient demeurèrent toujours vivaces. Il adorait